L’augmentation des périodes de sécheresse, l’intensification des pics de chaleur, des épisodes pluvieux extrêmes et des vents forts sont autant de défis auxquels les jardiniers amateurs et professionnels doivent faire face avec le changement climatique. Pour s’adapter, il n’existe pas de solution miracle ni de plantes invincibles, mais des approches basées sur le bon sens, la diversification des végétaux, l’expérimentation et surtout une conception réfléchie et adaptée aux conditions locales.
1) Adaptez votre jardin à son environnement naturel
Observez votre jardin et vos sols pour “aller avec” et non “contre”. Repérez bien les zones humides ou sujettes à la stagnation, les zones potentiellement très chaudes et/ou battues par les vents... et concevez vos plantations de sorte que ces particularités deviennent des atouts et non plus des contraintes !
Plutôt que de chercher à “compenser” ces difficultés, avec des amendements, du drainage, des sur-semis ou des engrais... Rendez-vous plutôt en pépinière avec un inventaire des caractéristiques des zones à fleurir ou végétaliser, et faites-vous conseiller sur les plantes et aménagements adaptés aux spécificités de vos espaces.
Vous pourriez même allez plus loin et renforcer les caractéristiques de vos espaces : une zone de stagnation pourrait accueillir une petite zone humide (mare, noue, etc.), une pelouse clairsemée sous les arbres en un parterre de couvres-sol d’ombre sèche...
2) Favorisez la diversité végétale
Diversifiez les plantes dans votre jardin en intégrant une large gamme d’arbres, d’arbustes et de plantes vivaces. Une biodiversité végétale riche améliore la résilience de vos espaces verts face aux aléas climatiques (sécheresses, fortes pluies, vents violents) et aux nouvelles menaces environnementales comme l'apparition de ravageurs ou de maladies émergentes.
À l’inverse, les jardins conçus autour d’un faible nombre d’espèces, les jardins « concept » basés sur le trio buis-hortensia-graminées, plantés massivement puis ravagés par l’émergence de la pyrale et les étés caniculaires.
3) Privilégiez des plantes robustes et de qualité
Toutes les plantes en jardinerie ou en pépinière ne se valent pas ! Leur mode de culture – importation lointaine, production locale, culture sous serres froides ou chauffées ou en pleine terre – a un impact majeur sur leur résistance et leur reprise dans votre jardin.
Pour un jardin plus résilient face aux changements climatiques, privilégiez les pépiniéristes locaux. Leurs plants, parfois moins « jolies » ou « standards » que ceux des filières plus commerciales, sont souvent plus adaptées et résistantes. Surtout lorsque vos plantes seront confrontées à des premières saisons plus chahutées : étés caniculaires ou très pluvieux, gels hors saisons, …
Les plantes issues de cultures intensives, boostées aux engrais chimiques ou élevées sous serres chauffées sont plus fragiles.
4) Plantez avec soin pour assurer la résilience de vos végétaux
La réussite d’une plantation repose sur une période adéquate et un travail du sol : prenez le temps d'effectuer vos travaux dans les règles de l’art et éviter les erreurs qui fragiliseraient la résistance des plantes.
5) Structurer votre jardin en imitant la nature
Pour un jardin résilient et durable, inspirez-vous de la nature en occupant l’espace intelligemment :
- En hauteur : plantez par strates ! Associez des couvre-sols, arbustes et arbres.
- En largeur : évitez les sols nus ! Un sol couvert de paillage, plantes couvre-sol améliore la rétention d’eau, limite l’érosion et réduit la concurrence des adventices. Cette diversité végétale renforce la résistance aux intempéries, limite l’évaporation de l’eau et protège le sol des températures extrêmes.
6) Optez pour des plantes adaptées et limitez la taille
Sélectionner des plantes aux dimensions adaptées permet de réduire l’entretien et d’assurer la bonne santé de vos végétaux. En favorisant un port libre, vous diminuez le besoin de tailles répétées et évitez les interventions inutiles.
Une taille excessive fragilise les plantes en créant des portes d’entrée pour les maladies ou un déséquilibre favorisant les casses.
7) Protégez et enrichissez votre sol avec du paillage
Le paillage est un allié incontournable pour maintenir l’humidité du sol, faciliter l’infiltration des eaux, limiter le ruissellement et l’”effet de battance”, contre la concurrence racinaire des plantes adventices, ...
Privilégiez un paillage organique, qui nourrira le sol en se dégradant, et évitez les bâches micro-tissées, faussement durable et néfastes à la vie des sols.

et limite l’évaporation (Source WEF 2024, Beloeil)
8) Moins de pelouse, plus de diversité
Les espaces engazonnées et les pelouses courtes souffrent de la chaleur et nécessitent trop souvent des arrosages. Adaptez vos espaces en fonction de vos besoins : remplacez une partie du gazon par des prairies fleuries, des parterres de vivaces ou adoptez la tonte différenciée.
Laissez certaines zones évoluer librement et en ne les fauchant que 2 à 3 fois par an selon vos besoins, , et joliment mises en valeur par des tracés bien ajourés, qui peuvent évoluer au fil du temps.

pour économiser l’eau et soutenir la
biodiversité. Source WEF, Honnelles 2024
9) Préservez l’existant
Un arbre mâture, un arbuste déjà bien installé, s’il est sain et bien adapté à son environnement, sera toujours plus résistant aux aléas climatiques qu’un jeune sujet. En cas de réaménagement de vos espaces, préserver autant que possible les sujets existants !
Plus encore les arbres matures fournissent beaucoup plus de services écosystémiques que les jeunes plants : rafraîchissement, captation de CO2, filtration de la pollution, etc.

bon en matière d’adaptation
aux changements climatiques ! (Hastière)
10) Aménagez intelligemment vos espaces verts
Anticipez les effets du changement climatique en intégrant des aménagements adaptés à vos espaces verts :
- Protégez du vent : Installez des haies brise-vent composées d’essences variées pour réduire l’impact des rafales.
- Créez de l’ombre : Plantez des arbres d’ombrage pour rafraîchir les zones exposées aux fortes chaleurs estivales.
- Gérez l’eau efficacement : Installez une citerne de récupération pour mieux affronter les sécheresses prolongées.
Un compost vous offrira de la matière organique pour nourrir et améliorer la structure de vos sols, facilitant sa perméabilité, l’infiltration des eaux et la croissance de vos plantes.
11) Choisir des plantes adaptées aux conditions spécifiques de votre jardin
Il est essentiel de sélectionner des plantes qui s’intègrent harmonieusement à leur environnement pour garantir leur résilience face aux conditions climatiques extrêmes. Que ce soit pour un sol argileux lourd, un sol sableux et drainant, une exposition à l’ombre sèche ou en plein soleil, il est crucial de choisir des espèces adaptées à ces caractéristiques.
Avec l'augmentation des épisodes climatiques intenses, les erreurs de choix sont moins tolérées par les plantes, qui peuvent souffrir du stress climatique (sécheresse, canicule, vents violents).
Dans un jardin déjà installé, si un arbuste dépérit ou végète, sans cause apparente de ravageurs ou de maladies, réévaluez ses besoins spécifiques (humidité du sol, exposition, pH) et n’hésitez pas à le déplacer dans un endroit mieux adapté à ses besoins.

le ruissellement et réserves
pour la biodiversité (Trois-Ponts)
12) Expérimentez et adaptez vos pratiques
Face aux défis climatiques, il est essentiel d’oser remettre en question les pratiques : entre innovations et retour aux « bases », le jardin au temps du changement climatique nous offre de nombreux défis et possibilité d’explorations…
N’hésitez pas aussi à nous partager vos expériences et vous trouvailles !
Changements climatiques et érosion de la biodiversité : des phénomènes interdépendants !
D’après la communauté scientifique, les deux grands enjeux environnementaux que sont le dérèglement climatique et l’érosion de la biodiversité ne peuvent être résolus avec succès que s’ils sont abordés ensemble. Le changement climatique ayant été identifié comme la 3ème cause de perte de biodiversité !
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter un rapport de l'IPBES et du GIEC sur la biodiversité et le changement climatique (uniquement en anglais) : Ce rapport est le résultat de la première collaboration entre les experts du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) et de l'IPBES (Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) Le rapport est à retrouver ici, disponible uniquement en anglais.
Pour aller plus loin :
L'Office for Climate Education propose un résumé intéressant du rapport du GIEC : Rapport spécial du GIEC "Réchauffement à 1.5°C" - Résumé à destination des enseignants | Office for Climate Education
Glossaire :
- Jardin de pluie : Un jardin de pluie ou jardin pluvial est l'une des nombreuses formes des jardins d'eau et une technique alternative pour la gestion des eaux de ruissellement. Il s’agit d’une dépression peu profonde et plantée, utilisée dans le cadre d’une gestion intégrée des eaux pluviales comme technique de traitement et de stockage temporaire. Plus d’info : https://guidebatimentdurable.brussels/jardins-pluie#:~:text=Un%20jardin%20de%20pluie%20est,noue%20ou%20un%20bassin%20sec.
- Effet de battance : La formation d'une croûte de battance bouche les pores et réduit la capacité d'infiltration du sol. Lors des pluies, plutôt que de s'infiltrer, l'eau ruisselle en surface et emporte avec elle la terre arable sous l'effet de la gravité et/ou du vent.
- Tonte différenciée : La tonte différenciée propose de varier les fréquences de tonte au sein d’un espace vert, (ou d’un ensemble d’espaces verts), pour offrir des ambiances différentes, préserver la biodiversité et, parallèlement, pour gagner du temps. Le choix de la fréquence de tonte va principalement dépendre de l’utilisation de l’espace, mais aussi de l’esthétique globale du jardin.
- Services écosystémiques : les écosystèmes procurent de nombreux services dits services écologiques ou services écosystémiques. Certains étant vitaux pour de nombreuses espèces ou groupes d'espèces (comme la pollinisation), ils sont généralement classés comme bien commun et/ou bien public. Bon à savoir : la notion de service écosystémique émerge dans les années 90, avec pour objectif de replacer les enjeux de conservation au cœur des intérêts humains. Son succès, scientifique et institutionnel, est associé à des interprétations très diverses et sujettes à controverses car il amène certains à considérer la préservation des écosystèmes principalement via le prisme de la rentabilité. Un concept cependant intéressant pour mettre en avant les interdépendances humains/biodiversité.
Article rédigé par Maïlys Duqué, chargée de projet Wallonie En Fleurs