Un défi de plus pour les communes !
Un article proposé par Marie Patinet chargée de projet LIFE RIPARIAS
Aujourd’hui, protéger nos écosystèmes aquatiques passe presque inévitablement par la lutte contre les espèces exotiques envahissantes (EEE). Une mission cruciale, mais semée d’embûches. Focus sur les principaux défis auxquels font face les gestionnaires… et quelques clés pour y répondre efficacement.
Des espèces toujours plus nombreuses…

En Belgique, la problématique des espèces exotiques envahissantes (EEE) est loin d’être nouvelle. Pourtant, la situation devient de plus en plus préoccupante : leur nombre est en constante augmentation, en particulier dans les milieux aquatiques. De nombreuses plantes aquatiques sont encore vendues à des fins ornementales, facilitant ainsi leur dissémination involontaire dans la nature.
Alors que certaines espèces sont déjà bien établies sur le territoire, d’autres, qualifiées d’« émergentes », commencent à s’échapper des bassins décoratifs, étangs ou autres plans d’eau pour coloniser les milieux naturels. Leur expansion rapide constitue une menace sérieuse pour la biodiversité locale et l’équilibre fragile des écosystèmes aquatiques.
Face à cette dynamique inquiétante, les communes et les gestionnaires de terrain se retrouvent en première ligne pour relever ce défi complexe.
Agir tôt, mais agir bien
Les plantes aquatiques exotiques envahissantes se distinguent par leur croissance fulgurante et, pour la plupart, par leur capacité à se multiplier de manière végétative : un simple fragment peut suffire à générer un nouvel individu. On comprend dès lors que plus leur implantation progresse, plus leur gestion s’avère complexe, longue… et coûteuse.

C’est pourquoi il est crucial d’intervenir dès les premiers signes d’invasion — et de le faire avec méthode. Une détection précoce permet encore, dans bien des cas, d’envisager une éradication locale, c’est-à-dire l’élimination complète de l’espèce dans une zone donnée. En revanche, une détection tardive compromet souvent cette possibilité : les coûts explosent, et l’objectif bascule vers une gestion à long terme visant à contenir l’espèce et à limiter les impacts écologiques.
Quoi qu’il en soit, qu’il s’agisse d’éradication ou de contrôle, chaque scénario demande une stratégie ciblée, des méthodes adaptées et une planification rigoureuse.
Pas de place pour les EEE… pas de place pour l’improvisation !

La gestion des EEE nécessite des investissements financiers et humains considérables. Il est donc peu réaliste d’espérer intervenir partout, sur toutes les espèces et tous les sites concernés. Définir des priorités d’action claires devient alors essentiel avant toute gestion !
En effet, la décision de mener des actions de lutte sur un site spécifique doit s’inscrire dans une logique de cohérence avec les priorités d’action définies à l’échelle régionale ou nationale. A défaut, les ressources investies risquent de ne pas produire les résultats escomptés. Une coordination étroite avec l’ensemble des parties prenantes — gestionnaires de terrain, propriétaires, usagers, riverains, pouvoirs publics — est vivement conseillée. Cette concertation en amont permet de bâtir une vision commune, de renforcer l’adhésion locale… et d’augmenter les chances de succès.
Connaître son ennemi pour mieux agir
Une bonne préparation passe également par une connaissance fine de la situation et de l’espèce ciblée. Avant toute intervention, il est essentiel d’évaluer précisément l’ampleur de l’invasion afin de définir un objectif clair et réaliste : vise-t-on une éradication complète, ou plutôt un contrôle de la population ? Mais connaître le terrain ne suffit pas : il faut aussi bien comprendre la biologie de l’espèce visée. Mode de reproduction, mécanismes de dispersion, etc… autant d’éléments essentiels pour définir une stratégie de lutte adaptée.
Qui, quoi, comment ? Une organisation bien huilée pour une gestion efficace
- Avant d’entamer un chantier de lutte contre une espèce exotique envahissante, il est essentiel de s’assurer de la faisabilité du projet. Disposer de financements identifiés, d’un budget suffisant et de ressources humaines mobilisables dans la durée est une condition sine qua non. Sans ces garanties, mieux vaut reporter l’intervention : un chantier mal préparé risque d’aboutir à un échec, voire à aggraver la situation.
- Une planification rigoureuse est donc indispensable. Chaque étape doit être anticipée, chaque rôle clairement défini. Un maître d’œuvre devra être désigné pour coordonner les opérations, garantir la bonne exécution du projet et servir de point de contact pour tous les intervenants.
- La biosécurité doit également être intégrée dès la conception du chantier. Une personne référente devra être responsable du nettoyage systématique du matériel en entrée et sortie de site, afin d’éviter toute propagation involontaire. Tous les acteurs – sous-traitants, bénévoles, associations partenaires – devront être identifiés et sensibilisés à ces enjeux.
- Une fois le plan d’action validé, place à la mobilisation. Il faut prévoir des efforts soutenus sur plusieurs années. La première année est souvent la plus intensive, avec un volume important de biomasse à extraire. Les années suivantes se concentrent sur la surveillance et l’éradication des repousses ou foyers résiduels. Un suivi régulier, des échanges fluides entre gestionnaires et une bonne transmission des informations sont les clés d’un chantier durable et efficace.
La création d’un dossier de gestion reprenant toutes ces étapes essentielles est donc indispensable pour une gestion réussie.
Un défi de taille, mais vous n’êtes pas seuls
Le projet LIFE RIPARIAS, cofinancé par le programme LIFE de l’Union européenne et les trois autorités régionales belges, a pour objectif d’améliorer la lutte contre les EEE afin de protéger des écosystèmes particulièrement vulnérables. Cette initiative belgo-européenne développe des approches innovantes pour établir des priorités d’action sur une zone pilote couvrant les bassins versants de la Dyle, de la Senne et de la Marcq, à cheval entre la Wallonie, Bruxelles et la Flandre. L’objectif : savoir quelles espèces cibler et où intervenir en priorité, comment agir efficacement… et pour quels résultats concrets.

Des outils concrets pour une gestion cohérente et efficace

Au cœur du projet, un outil d’aide à la décision permet d’identifier les sites et espèces prioritaires, en tenant compte
de divers critères comme la localisation dans le bassin versant, la présence d’espèces exotiques, la proximité de zones déjà envahies ou encore le statut de conservation des sites. Cet outil permet ainsi de concevoir des stratégies de gestion adaptées tout en aidant les gestionnaires à générer une partie du dossier de gestion.
Cet outil est accessible à l’adresse suivante : https://manaias.biodiversity.be/
Pour accompagner les gestionnaires de terrain, le projet met également à disposition un guide de bonnes pratiques pour la gestion des plantes aquatiques et rivulaires exotiques envahissantes sur le site internet riparias.be. Ce guide vise à aider les utilisateurs à choisir et appliquer les méthodes les plus efficaces, réalistes, acceptables et conformes à la législation, en fonction des espèces ciblées.

En complément, une vidéo est disponible sur notre chaîne YouTube. Elle résume les grands principes et les étapes clés d’une gestion réussie à l’échelle d’un site, et constitue un outil pratique pour bien démarrer chaque intervention.
Avec des outils adaptés et une stratégie claire, chaque acteur local peut devenir un maillon essentiel dans la lutte contre les espèces exotiques envahissantes.
Un article proposé par Marie Patinet chargée de projet LIFE RIPARIAS - avec Louis Noël, conseiller technique et chargé de projet EEE chez Adalia 2.0
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